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LES DERNIERS QUATUORS

examens de conscience et la mise au point d’une âme tourmentée.

La première fois, au cours de l’automne 1809, au lendemain de l’occupation de Vienne par les armées Napoléoniennes[1]. Pendant plusieurs mois, Beethoven avait été bloqué dans Vienne, souffrant de la gêne et oppressé par la présence humiliante des occupants, son inspiration paralysée[2], et ne parvenant à occuper son esprit qu’à des travaux théoriques[3], qu’entrecoupent des notes soucieuses d’impôts à payer, d’emprunts forcés. Il ne réussit à s’échapper du cercle de fer, pour quelques semaines, à la campagne dont il languit, qu’au mois d’août. Et il écrit enfin, « plus pour la mort que pour l’immortalité »[4].

L’œuvre qu’il écrit, — d’un trait, les quatre morceaux à la file, — est le quatuor en mi bémol, op. 74[5].

Si, comme toute vraie œuvre d’art, ce quatuor n’a besoin que de soi pour se justifier, combien pourtant les circons-

  1. Le bombardement eut lieu, dans la nuit du 11 au 12 mai ; l’entrée, le lendemain ; les batailles d’Esslingen, le 22 mai, et de Wagram, les 5 et 6 juillet. Le 14 octobre, la paix de Vienne fut signée.
  2. « Depuis le 4 mai, je n’ai presque rien fait qui se tienne… » (Lettre du 26 juillet, à Breitkopf).
  3. « Materialen zum Generalbass ». — Cf. Notebohm : Beethoveniana, p. 154 et suiv.
  4. « Je vous écris enfin, — après la sauvage destruction, quelque repos, après tout le bouleversement inimaginable — j’ai travaillé quelques semaines de suite, et il semblait que ce fut pour la mort plus que pour l’immortalité. » (A Breitkopf, 2 novembre 1809).
  5. Cf. Zweite Beethoveniana, p. 91 et suiv., et p. 268. Il travaillait en même temps à la Sonate des Adieux, op. 81 a, commencée, le 4 mai, pour le départ de l’archiduc, interrompue 4 ou 5 mois, et reprise à l’automne, pour « l’absence » et « le retour ». — Le quatuor, écrit surtout en octobre 1809, fut publié en décembre 1810.