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BEETHOVEN

aux six quatuors dédiés par Mozart à Haydn, et attester : — « Anche io son pittore ! » — En vérité. Beethoven a souvent l’image de Mozart devant les yeux, ( surtout dans le quatuor no 5, en la majeur). Il veut bien plus faire œuvre de maîtrise, pour s’établir de pair à égal dans la compagnie des deux illustres Meistersinger, Haydn et Mozart, que s’abandonner au libre essor de son génie propre. Un morceau comme le premier du quatuor en fa, no 1, par ailleurs peu significatif, n’emprunte toute sa valeur qu’à l’effort voulu de travail thématique, au sens d’école, et à l’emploi égal des quatre instruments : et c’est pourquoi un bon pédant comme Spohr le regardait comme l’idéal du type quatuor. On peut dire que Beethoven écrivit là son morceau de concours. — Il est permis aussi de penser que le quatuor no 2, dit « le Quartette des compliments » (« Complimenterquartett ») visait bien plus, comme le no 5, à pasticher Mozart et Haydn (et le pastiche est très bien réussi), qu’à s’exprimer librement. Mais, à d’autres moments, voici que s’efface le visage de la mode ; une grande figure sort de l’abîme, une ombre puissante : Shakespeare apparaît. Le sombre et grandiose adagio affettuoso ed appassionato du no 1 lui est dédié[1].

Un autre encore est là, qui gronde derrière la porte ; et il la force, dans le magnifique allegro du quatuor no 4 en ut mineur : — c’est le jeune Beethoven, avec ses fureurs de Coriolan. Le public du temps ne s’y est pas trompé. Ce quatuor eut, parmi la jeunesse, les mômes effets boulever-

  1. Il n’y a pas moyen d’en douter. Amenda a raconté que Beethoven lui ayant demandé ce qu’il avait voulu y exprimer, il dit : — « La séparation de deux amants. » (« Abschied zweier Liebenden »), et que Beethoven répondit : « — Bien ! Je me suis représenté la scène du tombeau, dans Romeo et Juliette... » (« Wohl, ich habe mir dabei die