Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
BEETHOVEN

éloignée de celle qu’il avait d’abord conçue, — de celle-là que Haydn avait vue. Drouet rapporte que Beethoven lui dit, quand il lui parlait de ses premiers travaux : — « Ils n’ont pas été imprimés comme je les ai écrits d’abord ; quand j’ai revu mes premiers manuscrits, quelques années après, je me suis demandé si je n’étais pas fou, pour avoir mis en un seul morceau ce qui suffisait pour en composer vingt ; j’ai brûlé ces manuscrits, afin qu’on ne les vît jamais ; et j’aurais commis, pour mes débuts, bien des folies, sans les bons conseils de papa Haydn et d’Albrechtsberger… »

Un autre artiste fut, plus encore que Haydn, le modèle de Beethoven pour le quatuor : celui qu’il appelait « sein alte Meister », Emmanuel Alois Förster. Il entendait régulièrement ses quatuors chez son mécène le prince Lichnowsky et dans la maison de Forster lui-même, où les réunions de quatuors avaient lieu le dimanche matin et le jeudi soir. Si nous avons plus tard le temps d’étudier plus spécialement cette période de la création de Beethoven, les œuvres de Forster y auront leur place. Qu’il nous suffise de dire ici que le travail de métamorphose fut achevé entre les années 1798 et 1801, et que le quatuor surtout en bénéficia.

Le 4 août 1800, Beethoven écrit au poète Matthisson :

— « Vous savez vous-même quel changement opèrent quelques années dans un artiste, qui ne cesse d’aller plus avant (der immer weiter geht) ; et d’autant plus on fait de progrès dans l’art, d’autant moins on se satisfait de ses anciennes œuvres. » Et le 16 novembre 1801, à Wegeler :

— « Chaque jour, j’arrive plus près du but, que je sens, mais que je ne puis décrire. »

Envoyant à son ami Amenda, le 1er juillet 1801, le premier manuscrit du quatuor en fa, op. 18, no 1, qu’il lui avait