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BEETHOVEN

la flamme pure et mesurée qui l’avait allumé : il est peu probable que Mozart l’aurait goûté[1].

Mais Beethoven apprit de lui à s’essayer aux dialogues entre les instruments à cordes accompagnants et le clavier qui mène le chœur[2].

Cela n’allait pas encore bien loin ; le violoncelle n’osait pas s’émanciper ; et le jeune artiste n’était pas encore assez sûr de sa personnalité en formation, trouble et indécise, pour livrer cours à ses émotions. Il demeurait dans le cercle de la musique de divertissement, dont s’accommodaient au

  1. La rencontre de Mozart à Vienne, en 1787, dut être une déception pour le jeune garçon, qui venait, gauche et brûlant, voir son grand homme. Autant qu’il est possible d’imaginer, Mozart ne lui prêta pas grande attention ; il ne lui fit pas l’honneur de jouer pour lui. Mais sûrement, Beethoven l’entendit jouer en public ; et il semble que son jeu ne l’ait pas trop satisfait. Il était très différent du sien, et fait plutôt pour les anciens « Flügeln » : — « un jeu fin et détaché, pas de lié, où Beethoven était surtout admirable », dit Czerny (« einfeines abgehacktes Spiel, kein ligato in dem Beethoven zuerst bewunderungswürdig war »). — L’invention du fortepiano était encore dans l’enfance.
  2. M. Georges de Saint-Foix a fait état aussi de six quatuors anonymes, provenant du fonds Artaria, qu’il attribue au jeune Beethoven, un peu avant son installation à Vienne, entre 1787 et 1791. (Cf. Rivista Musicale Italiana, fasc. 2, 1923 — et Revue Musicale, 1er avril 1927).

    Mais quelque respect que mérite le jugement d’un aussi rare expert en tous les crûs de la musique de cette fin du xviie siècle, les arguments qu’il apporte pour appuyer son estimation me semblent être de l’ordre de l’impression personnelle, plus que de la certitude historique ; et jusqu’à plus ample informé, je réserve mon assentiment. Dans tous les cas, les conclusions de M. de Saint-Foix viennent à l’appui des analyses de Schiedermair et des miennes : ces six quatuors attestent le rayonnement incontesté de Mozart sur l’auteur inconnu, « qui marche sous sa conduite directe et souvent cherche visiblement à s’mspirer de ce grand modèle. » — Il s’y ajouterait, à son sens, des influences de l’opera buffa, qu’on représentait alors à Bonn, et celle de Boccherini, qui vint en Allemagne avant 1788.