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BEETHOVEN

se faire une idée de leur éclat et de leur « expression extraordinaire… »

« Dans quelque compagnie qu’il se trouvât, il savait produire une telle impression sur ses auditeurs, que souvent aucun œil ne restait sec, et certains auditeurs éclataient en sanglotsQuand il avait fini, il riait, et rudement il ironisait son public trop sensible. »

Quand donc il combinait le clavier avec les instruments, il lui attribuait la place d’honneur ; les autres lui faisaient escorte. Toutefois, comme l’a montré Ludwig Schiedermair, dans le double courant qui se faisait sentir, dès sa jeunesse à Bonn, au sein de la musique de chambre, — l’un pour réduire la part des instruments à l’accompagnement le plus simple, au besoin même improvisé, ad libitum, — l’autre pour rendre l’accompagnement « obligé » ( « obligat » ), en voix adjointes ou coordonnées à la voix principale, — le jeune Beethoven était trop musicien, trop riche en inspiration, pour ne pas s’orienter vers le second courant. Il écrira, à la fin de 1800, à l’éditeur HofTmeister :

— « Ich kann gar nichts unobligates schreiben. weil ich schon mit einem obligaten Accompagnement auf die Welt gekommen bin. »

(« Je ne puis rien écrire qui ne soit « obligé », car je suis venu au monde avec un accompagnement « obligé » ).

Il ne pouvait écrire de « remplissage ». — Ses accompagnements restaient toutefois à fleur de peau ; et le tout ensemble ne sortait pas de la règle du jeu.

Sur ces entrefaites, Mozart parut ; et ce fut, chez le jeune Beethoven, une révolution. Il n’en a pas parlé, parce qu’ensuite il a réagi ; et il n’a laissé paraître sa vénération pour Mozart que beaucoup plus tard, quand il approchait de sa