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LES DERNIERS QUATUORS


Mais toutes ces causes occasionnelles ne nous dispensent point de rechercher la raison profonde, pour laquelle le vieux Beethoven, malade, talonné par l’obsession du « Knochen Mann »[1], de « l’homme à la faux », allait donner les deux dernières années qui lui restaient à des quatuors, — au détriment des autres grandes œuvres qu’il couvait et qu’il était pourtant pressé de faire sortir de la nuit.

Il nous faut voir ce qu’était pour lui le quatuor. Nous ne le pouvons, sans déterminer la place qu’il a tenue dans l’ensemble de son œuvre et dans sa vie.

Je m’excuse de devoir ici remonter le cours des temps, afin d’embrasser tout le champ de tir et le vol de la flèche. L’étude des quatuors antérieurs appartient à des volumes précédents de ma série des « Grandes Époques Créatrices ». Mais comme je ne suis pas sûr que la vie me laisse le temps de les écrire, je veux ici au moins tracer en raccourci un exposé du développement de l’admirable genre de pensée musicale, où, plus qu’en tout autre, le génie de Beethoven a marqué son empreinte, — avec lequel, pourrait-on dire, il s’est identifié : chair de sa chair, souffle de sa poitrine, prunelle de ses yeux, lui tout entier, sur les hautes ailes de l’art, sauvé du sombre abîme où l’homme s’engouffre, corps et biens.


Les quatuors à ccrdes de Beethoven se partagent en trois groupes :

  1. Lettre aux éditeurs Schott, 17 sept. 1824 — lettre au neveu Charles, 9 juin 1825.