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BEETHOVEN

ments. C’était un chant infiniment beau. Schuppanzigh a été souvent interrompu, au milieu de son jeu, par l’applaudissement de la salle… »

Quel bien dut faire au vieux cœur de Beethoven cette chaude atmosphère ! Il écrivit avec plus de confiance, sûr qu’il serait entendu. Et, nous le verrons, il le fut. Peu de publics, même aujourd’hui, se montreraient aussi compréhensifs des derniers quatuors que ne le fut (surtout pour le quatuor en la mineur) le public Viennois des concerts de Schuppanzigh. Et celui-ci, avec son groupe, donnait à Beethoven une impression de sécurité. Il leur envoya à tous les quatre : Schuppanzigh, Weiss, Linke, Holz, avant la première exécution de son quatuor en mi bémol (premier de la série des cinq derniers), un ordre du jour, un engagement d’honneur à signer :

— « Mes bons (« Beste ! »)

« Chacun des quatre fera du sien et accomplira son devoir, chacun s’engage sur l’honneur à se comporter pour le mieux. Et chacun de ceux qui participent à la chose convenue mettra ici sa signature. »

Il aimait à jouer le général de la petite armée, qui défendait l’étendard sacré de la vraie musique allemande, « der heiligen Kunst ». Il signait en riant : « Generalissimus ». Ses éditeurs étaient : Steiner, son « Generallieutenant » ; Haslinger, son « adjudant ». Et Schuppanzigh et son quatuor, sa « garde du corps », — son « Leibquartett ».