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LES DERNIERS QUATUORS

dans ses affections ! Il ne pouvait se sauver d’un tel désastre qu’en arrachant de lui son amour et sa foi, en rejetant avec colère et dérision toute sentimentalité. D’où, le seul canal ouvert à son génie créateur, en ces mois, vers un état d’indifférence et d’ironie, où l’humour bouffon, qui se joue du monde et de soi, remplit provisoirement les vides du cœur. Des émotions tragiques, il s’écartait. Il en avait peur.

Dans la vie s’imposait d’abord, et au plus tôt, la liquidation de l’affaire du neveu. Il était encore à l’hôpital, où sa blessure se guérissait lentement. L’oncle et le neveu s’observaient, tous les deux avec ressentiment. Le neveu ne cachait point son désir furieux de ne plus avoir affaire à Beethoven[1]. Il dut pourtant le voir, une fois, à l’hôpital, mais il refusa ensuite ses visites[2]. Beethoven, qui se croit désormais libre d’amour envers l’ingrat, mais non pas libre encore de ses devoirs et de ses droits de tutelle, et qui prétend les exercer, jusqu’au jour où Charles sera remis à l’autorité militaire, ne désarme point dans ses ressentiments à l’égard des parents et des amis qu’il tient pour responsables de la désaffection de Charles. Il faut le dire avec regret, il n’a point le beau rôle, dans son acharnement contre la mère. Il prétend interdire à Charles de la revoir ; et Charles n’a point de peine à mettre

  1. « … Je dois te prier de faire mention aussi peu que possible de ce qui s’est passé et qui n’est plus à changer. Si mon vœu d’entrer dans l’état militaire peut être rempli, je m’estimerai satisfait… Je te prie donc d’employer pour ce résultat les moyens que tu tiens bons, et avant tout de veiller à ce qu’après ma guérison, je m’éloigne d’ici aussi promptement que possible… » (Cahiers de conversations).
  2. « Il ne veut pas te voir », écrit Breuning, au sortir d’une visite à Charles.