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BEETHOVEN

(61e mes.) un joli dessin de marche populaire, fine et plaisante. Elle s’accommode d’un retour exigeant de l’Es muss sein, qui se répète à tous les instruments et conclut, avec un entrain péremptoire, la première partie du morceau (qui se répète da capo).

Mais la Durchführung qui suit (mes. 81-173) reprend le « Il le faut ! » avec plus d’âpreté, — annonciatrice des résistances qui vont se faire sentir. Le jeu polyphonique se renouvelle, en se resserrant et se compliquant ; la jolie marche revient, en une lumière plus claire, de ré majeur, plus fine encore et plus allégée, et l’on dirait, spiritualisée. Mais elle ne tarde pas à être envahie par le foisonnement, dans la polyphonie, de troubles modulations et de dures rencontres harmoniques, qui changent l’atmosphère du tableau. Elle s’assombrit ; le souffle devient rude et haletant. Et l’on voit le mouvement de ronde, naguère joyeuse, descendre en tournoyant au fond d’un creux crépusculaire, dans la tonalité en fa mineur du début. Et là, tapi, tourne et bouillonne, ff., le sombre « Muss es sein ! ».

Le quatuor à cordes n’y suffit plus : comme à la fin de l’op. 131, on entend l’orchestre : il faut aux basses les puissants souffles des cuivres, sous le trémolo crépitant des cordes et des bois. Questions et réponses s’entrechoquent, en un rauque dialogue, auquel on imagine que Beethoven, en d’autres temps, eût donné plus d’ampleur : il y avait matière à l’un de ces grands combats de la Neuvième Symphonie (première partie). Mais il l’écourte ; et d’un paquet de nuées, hâtivement amassées, rebondit Vallegro joyeux. On ne peut pas dire, cette fois, malgré maintes finesses hardies de l’écriture, que, selon le rythme habituel de la vie de Beethoven, « vires acquirit eundo » ; il se répète, sans se renouveler, en subs-