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BEETHOVEN

Le faut-il ? ») — Quoi ? — Tout ce que vous voudrez, tout ce qui occupe votre pensée et qui lui pèse, — « la résolution difficile » — l’ordre du destin, — l’acceptation de la vie…

Maintenant, l’équilibre est-il bien gardé entre les deux motifs, — celui de la demande, et celui de la réponse ? — Peut-être pas. Ils ne sont pas du même acier. — Et ainsi s’expliquerait la lettre, alléguée par l’éditeur Schlesinger, mais détruite, dans l’incendie de sa maison, — où Beethoven lui écrivait, en envoyant les parties du quatuor : « Voyez-vous quel homme malheureux je suis ! Non pas que ce m’ait été difficile à écrire, mais je pensais à quelque chose d’autre et de beaucoup plus grand, et je n’ai écrit que cela seulement, parce que je vous l’avais promis et que j’avais besoin d’argent et que cela m’est venu péniblement : voilà ce que vous pouvez déchiffrer sous le Es muss sein ![1] »

Je ne vois aucune raison pour douter de l’authenticité de cette lettre, malgré certaines erreurs de mémoire[2]. Mais je n’en tire naturellement pas la conclusion naïve de Schlesinger, qui pensait que le « Es muss sein ! » se rapportait aux difficultés de Beethoven, en écrivant le morceau. Le « Es muss sein ! » nous l’avons vu, était écrit, avant même que le quatuor fût commencé. Mais la lettre montre que Beethoven rêvait d’une tout autre développement musical, donné au débat grandiose qu’il posait. S’il ne l’a point fait, c’est que ses forces l’ont trahi, et qu’il était pressé par la nécessité de livrer l’œuvre à l’éditeur, contre paiement. Il a dû se contenter

  1. Lettre de Maurice Schlesinger, en date du 27 février 1859, reproduite par le critique Beethovenien, A. B. Marx.
  2. Schlesinger la date, à tort, de Müdling, où Beethoven n’est pas allé, cette année.