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LES DERNIERS QUATUORS


Nous ressaisissons, avec « Der schwergefasste Enlschluss », qui constitue le dernier morceau, — le fil naturel du quatuor, interrompu par le largo[1].

J’ai déjà dit comment le motif de la réponse humoristique : « Es muss sein ! » avait été repris par Beethoven dans ses feuilles de conversation, où il était une simple saillie, provoquée par une circonstance des plus futiles. Il serait absurde de penser que c’est au titre de cette circonstance que Beethoven l’a repris. Peut-être était-il à court de motifs ; et celui-ci a pu lui plaire : il se prêtait au jeu musical. Mais les trois mots, inscrits dessous, contenaient aussi des forces latentes, inemployées. L’occasion qui les avait suscités : le richard ladre, était bien oubliée ! Restait le sens abstrait.

C’est une disposition habituelle de l’esprit allemand, de dégager d’une parole usagée, pour quelque besoin journalier, une signification sentencieuse et générale (je l’ai noté, dans Jean-Christophe) : — tel, ce bon Allemand, à qui sa servante apporte la moutarde après dîner, et qui, après avoir dit tout simplement : « Trop tard. » (« Zu spät ! ») — se reprend, et ajoute philosophiquement (je l’ai entendu) : — « Trop tard, comme c’est souvent dans la vie ! » — Beethoven a relu le « Es muss sein ! », sous un angle beaucoup plus général. Et la superficielle réponse a déclenché la grave question, d’un tout autre accent, — celle-ci sortie vraiment des profondeurs de l’âme beethovenienne : « Muss es sein ? » (« Cela doit-il être ?

  1. Il est remarquable que dans une lettre du 30 octobre 1826, où il offre le nouveau quatuor aux éditeurs Tendler et Manstein de Vienne, il lui attribue le titre du finale : « Der schwergefasste Entschluss »neueste Quartett von L. v. B.