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BEETHOVEN

des plus brefs ; il ne dure que neuf mesures et demie ; après lesquelles, par un glissement enharmonique imperceptible, (le sol dièze mué en la bémol), l’âme rentre dans la tonalité initiale et dans son Friedengesang. Mais il se fleurit, cette dernière fois, d’une abondance polyphonique, qui fait passer dans la tristesse une vie chaude, si harmonieuse que de ses larmes elle s’enivre. Cette Coda est d’une délicatesse sans égale. Chaque instrument y traduit son émotion, sous une forme personnelle : soupirs, élans, halètements, flot monotone ; et tous ensemble font un concert délicieux, à la cime duquel (au premier violon), de la plus haute branche, le rossignol de la mélancolie répand ses vocalises sanglotantes, comme la plus tendre musique d’amour. Le tout, dans cette fine lumière nocturne, p. dim. pp., qui enveloppe le lento tout entier. Et, à la fin, le rossignol module, de trois étages successifs, son :

[partition à transcrire]

qui redescend, en se posant, de branche en branche, et disparaît. — Toute cette scène, unique, s’est déroulée en un peu plus de cinquante mesures. Le vieux Beethoven a appris le plus grand art : la brièveté ; — et, le plus rare, (surtout chez un homme de la Révolution), il le réserve à ses heures de la plus intime émotion.