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LES DERNIERS QUATUORS

tructrice de la Nature elle-même »). On avait eu déjà l’indice de tels accès, dans la grande fugue de l’op. 133 et dans le fugato de l’ouverture op. 124, « zur Weihe des Hauses ». Mais ils étaient là encore « arraisonnés » par la stricte (pas si stricte !) observance de la fugue. La folie sacrée prophétisait sur le trépied. Ici, elle est sans frein, elle est sans lien que la furie du rythme, qui l’enivre, elle est nue. On peut, par cette brève échappée, imaginer « la Fête de Bacchus » que Beethovent. eût écrite, et dont, une fois, il a parlé.

Mais le génie gouverne son ivresse. À la 22e mesure, la frénésie commence à tomber, p. sempre più p.-pp.-pp. À la 48e, les dièzes du sol, puis du fa, se décrochent, pour rentrer dans la tonalité normale. Petit à petit, l’esprit se désensorcèle. Et l’on revient, par contre-temps fatigués, — dont le dernier, au premier violon, rebondit au sol d’en haut, pour redescendre par octaves, — à la Reprise.

Notons que tout ce jeu de somnambule, qui chemine dangereusement sur l’extrême bord de l’hallucination, se répète, insatiatus, en deux da capo[1].

Les sept mesures finales, en contre-temps, s’évanouissent dans la pénombre des p.-dimin. p. più p.-pp., sur l’accord de fa… Et brusquement, rentre le maître sorcier, par un dernier accord bref f… — Fini de jouer !…

  1. Inutile de dire que les adversaires de Beethoven — dont Oulibicheff fut le premier en date et en verve passionnée, — s’en sont donné de dénoneer le vieux toqué !