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LES DERNIERS QUATUORS


Le Vivace qui suit — le morceau le plus original du quatuor — participe encore, en son début, à ce demijour ; mais on le sent au seuil du songe, et il y va chavirer.

C’est d’abord un jeu charmant de polyrythmie, où le vieux Beethoven montre son élasticité et les ressources qu’il en aurait pu tirer pour une musique nouvelle, affranchie du joug puissant mais monotone de son uniformité rythmique. — Une pédale de 7 mesures, au second violon, sur l’ut d’en bas, produit un engourdissement propice au rêve. Au-dessous, l’alto, — au-dessus, le premier violon, celui-ci à contretemps, font une sonnerie de cloches, étouffée et monotone. Le violoncelle, seul, dans le bourdonnement de l’atmosphère, déclenche un scherzo bondissant, tel qu’on en connaît tant chez Beethoven. À la huitième mesure, les instruments échangent leur rôles. Le premier violon reprend, à l’aigu, la pédale obsédante du violoncelle, et le deuxième violon le battement de cloches du premier. — Brusquement, comme une rauque sonnerie de cor dans le lointain, un mi bémol, inattendu, à la basse, que répercutent les autres instruments, en échos qui s’affaiblissent, dim. p. pp. Et le mi bémol s’éteint en mi naturel, — voici le premier mouvement du scherzo qui reprend. Un nouvel échange a été fait. C’est le violoncelle qui, cette fois, reprend, sur l’ut profond, la pédale. Et le jeu du deuxième violon et de l’alto s’enrichit de nuances nouvelles, de savoureuses vibrations, — le si naturel de l’alto, le la bémol du deuxième violon qui se froisse contre le la naturel de l’alto. Les instruments se divisent, en groupes de deux, à contre-temps, — puis, tous les quatre, sans contretemps, et bien rythmés, en courses unies ou contraires, —