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LES DERNIERS QUATUORS

cuisante blessure. Il déchargea sa fureur amassée sur les organisateurs, — ses compagnons et ses amis, qui n’y pouvaient mais : car ils avaient fait de leur mieux. Ce lui fut même l’occasion, attendue, de consigner sa porte à Schindler, dans les termes les plus blessants[1].

Mais c’était à tout le public de Vienne qu’il en avait, à ce peuple de mélomanes frivoles et ingrats qui, aux premières représentations de l’Opéra italien, s’étaient jetés au cou des étrangers et avaient tourné le dos aux grandes œuvres allemandes. Cette trahison remontait à l’année 1822, où Schindler dit qu’il était impossible de parler à Vienne de la Messe de Beethoven : car il n’y avait plus d’intérêt alors que pour la musique italienne. Et cette folie avait redoublé en 18233 où « le faible reste d’estime qu’on témoignait pour la musique de chant allemand avait entièrement disparu ». Beethoven indigné s’était retiré sous sa tente ; il avait parlé de reprendre ses œuvres et de les porter à Berlin, où il s’était mis en relations avec l’intendant-général de Prusse, comte v. Brühl. C’était au su de cette détermination que l’élite de ses amis fidèles, à Vienne, s’était émue et lui avait porté la fameuse Adresse de février 1824, dont nous parlions, à la fin du volume précédent.

    2.200 florins papier ; mais, les frais déduits, il n’en restait plus que 420. (À en croire Schindler, Beethoven s’évanouit, quand on lui présenta les chiffres). — Au deuxième concert, du 23 mai, pas plus de huit cents auditeurs assistaient ; il y eut un déficit de 800 florins. Pas un personnage de la cour impériale n’avait daigné honorer de sa présence cette Première, qui était pourtant un événement considérable dans la vie artistique de la capitale. Même le dédicataire de la Messe, l’archiduc Rodolphe, était absent. Le légitime orgueil de Beethoven ne fut pas moins atteint que ses intérêts.

  1. Cf. Kalischer, Beethovens sämtliche Briefe, 1908, t. V, p. 90, lettre de 1824 (sans date de mois et de jour).