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LES DERNIERS QUATUORS

épuisement et sa tristesse. Mais dans cette peine, c’est l’irritation qui domine. Quand il va voir son neveu à l’hôpital, il parle de lui au médecin, en termes injurieux : — « Le misérable ! Le gredin !… (der liederliche Mensch, der Lump !). Je ne voulais pas venir le voir, il ne le mérite pas, il m’a fait trop de tort !… » Il tient pourtant de son devoir de ne pas l’abandonner tout à fait moralement. « Je n’ai en but que son relèvement ; si on l’abandonnait maintenant, il pourrait encore se passer quelque chose de terrible… »

Il veille à ce que Charles ne soit pas mal traité, que, par la suite, le souvenir de son acte ne pèse pas sur sa carrière, qu’il ait des moyens de vie assurés. Par moments, son affection pour lui se réveille. Il lui écrit, à l’hôpital, une lettre dont Schindler blâme l’indulgence ; il y excuse son « acte abominable », et, dit Schindler, « cela ne peut plus conduire maintenant à aucun résultat favorable, ni pour vous, ni pour lui. » Holz confirme cette opinion : — « Rien n’agit plus sur lui. » Charles n’a-t-il pas dit de lui-même : — « Je suis devenu plus mauvais, parce qu’il voulait que je fusse meilleur. »

Certes, ce doit être cuisant au cœur, comme à l’orgueil de Beethoven. Mais la grosse souffrance est passée. Après l’affreuse tension et l’anxiété perpétuelle des mois précédents, qui sait s’il ne ressent pas un soulagement ? Dans la lettre d’affaires à l’éditeur Schott, du 19 août, où il lui annonce que son secrétaire habituel, son neveu, a voulu se suicider, il dit que ce malheur (Unglücksfall) a été pour lui un grand coup, « mais, qu’avec l’aide de Dieu, cela tournera peut-être encore en bien. »


    espérances disparues !… Avoir auprès de moi un être qui me ressemblât, — du moins dans ce que j’avais de meilleur !… »