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BEETHOVEN

Et voici l’homme que, pour la première fois, vit un petit enfant, dont les yeux vifs ont gardé pour l’avenir une des meilleures images du vieux magicien : un garçonnet de douze ans, Gerhard von Breuning.

Il était le fils du vieil ami de Bonn, du fidèle Stephan von Breuning, qui était Hofrath au Hofkriegsrat. Pendant des années, les deux amis étaient restés séparés, à la suite d’une brouille passagère : car tous les deux étaient fiers et ombrageux ; et chacun attendait de l’autre qu’il fît les premiers pas. Mais chacun gardait, en se taisant, le feu sacré de la vieille affection. En août 1825, enfin, une après-midi, le bon hasard d’une promenade les mit en face l’un de l’autre. C’était à Vienne, près de la porte de Carinthie. — « Nous vîmes venir à nous, d’un pas vif, un homme qui, à peine nous eut-il vus, échangea de loin un salut joyeux. Il avait l’air robuste, de taille moyenne ; sa démarche était énergique, ses mouvements vifs, un costume aussi peu élégant que bourgeois, mais un je ne sais quoi dans l’ensemble, de hors-classe. — Il parla presque sans interruption, s’enquit de notre santé, de notre vie, de nos parents du Rhin et de mille autres choses ; il n’attendait pas les réponsesIl nous apprit, avec une hâte joyeuse, qu’il allait emménager dans notre voisinage immédiat… Il dit qu’il viendrait souvent

    de mobilier ; des murs nus, où se trouvaient ça et là, comme perdus, deux ou trois portraits, notamment celui du grand-père Beethoven, le seul morceau de l’héritage que Beethoven eût fait venir à Vienne, et son propre portrait avec une lyre.

    Dans la réédition des Souvenirs de Breuning, publiée par Stephan Lev en un volume : Beethoven als Freund der Familie Wegeler-Breuning, (Bonn, 1927), est reproduit le plan de l’appartement, avec une abondante documentation illustrée.