d’être tous les jours Vinvité de la table de Jupiter ; malheureusement, les soucis de l’humanité commune trop souvent le tirent en bas, hors de ces pures hauteurs éthérées…[1] »
Peter n’a eu cure de cette prière, il n’a pas craint de « ravaler » l’artiste, en lui demandant de rogner ses ailes, pour le faire entrer dans sa basse-cour. Et le fier Beethoven ne s’est même pas accordé le soulagement de décharger sur lui son mépris irrité. Il se tait, il ronge son frein. Bien pis, il reviendra, six mois après, sur la suggestion que Peters lui avait faite d’écrire des quatuors avec clavier ; et le 20 mars 1823, tout en disant qu’il ne pourrait pas les livrer immédiatement, il voudrait savoir pour quelle date Peters désire les avoir. C’est un profit à ne pas négliger ![2]
Après cela, on comprendra que la première lettre du prince Galitzin, en novembre 1822, si chaude, si humble, et d’avance se pliant à toutes les conditions que Beethoven voudrait bien lui imposer, ait dû paraître tombée du ciel. Elle arrivait,
- ↑ « Und bin der Meinung, dass man den Künstler nicht schmälern
soll, denn leider Ach, so glänzend auch die aussenseite des Ruhms ist, ist
ihm doch nicht vergönnt alle Tage im Olymp bei Jupiter zu Gaste seyn,
leider zieht ihn die gemeine Menschheit nur allzu oft und widrig aux
diesen reinen Aetherhöhen herab… »
L’allusion à la table de Jupiter est un ressouvenir d’une poésie de Schiller : « Teilung der Erde », où Zeus offre l’hospitalité dans son ciel au pauvre poète.
- ↑ Il n’a d’ailleurs rien rabattu de ses prix. Il se donne même le
plaisir de les faire plus hauts pour des quatuors avec clavier que
pour des quatuors à cordes simples : 50 florins pour ceux-ci, 70 pour
ceux-là. Et que Peters réponde sans tarder ! Autrement, il lui serait
impossible de le satisfaire. « Vous savez, ajoute-t-il, que justement les
quatuors et les sonates font les plus hauts prix, sur le marché, (« aufs
Höchste gesteigert werden… »)
C’est qu’à ce moment, il se sent fort de la commande de Russie, appuyée de celle d’Angleterre. Il prend sa revanche.