ces mois que son neveu Charles lui cause les plus douloureux déboires, qui vont jusqu’à de mortelles angoisses. Toute une correspondance pathétique, que ses amis ont conservée, s’échelonne, depuis son installation à Baden, vers la mi-mai, jusqu’à la mi-octobre[1]. L’enfant sur la tête de qui il a reporté tant d’espérances, tout son amour sans emploi, le fils dont il voulait s’enorgueillir, l’indifférent Charles, sans méchanceté, sans caractère, dès qu’il n’a plus à Vienne, auprès de
- ↑ Là se trouvent ces cris poignants : — « Wo bin ich nicht verwundet,
zerschnitten ? » (Où ne suis-je pas blessé, déchiré ?) (mai 25). —
— « Dois-je subir encore une fois de toi la plus abominable ingratitude ?
Non, le lien doit être rompu, et qu’il en soit ainsi !… J’ai fait mon devoir… »
(22 mai)… « Tu mens, tu mens… Dieu m’est témoin, je ne rêve que d’être
complètement débarrassé de toi et de ce misérable frère et de cette
abominable
famille qui vit à mes crochets !… » (31 mai)… « Dieu ne m’a jamais
abandonné, il se trouvera bien encore quelqu’un pour me fermer les yeux… »
(14 sept.).
Et aussitôt après, il tremble que l’ingrat ne le prenne au mot ; et ce sont des effusions d’amour et de pardon, des supplications à l’enfant prodigue, pour qu’il revienne au bercail :
— « Je t’attends dimanche… Oh ! ne me blesse plus ! sans quoi l’homme à la faux n attendra plus longtemps. Sois mon bon, mon brave, noble fils !… » (9 juin). « Si cela t’est trop difficile de venir, alors ne le fais pas ! Mais si tu le peux de quelque façon, ah ! je me réjouis dans ma solitude d’avoir un cœur d’homme auprès de moi… » (juin… « Sois mon cher, unique fils, imite mes vertus, sans mes fautes ! » (15 juin). — « Sois mon cher fils ! quelle dissonance inouïe ce serait, si tu étais faux envers moi, comme il y a des gens qui le prétendent. » (2 août). Et en français : « Au diable avec ces grands coquins de neveux !… allez-vous en ! — soyez mon fils — mon fils bien-aimé ! — adieu — je vous baise — votre père sincère — comme toujours. » (fin juin).
Baden, et le festin pantagruélique qu’ils font ensemble, la joute de toasts et de rasades. — « Nous voulons voir, disait Beethoven, combien cet Anglais peut boire. » — Et le repas fut si abondant que, commencé vers le milieu du jour, « on apportait encore des plats quand nous partions déjà, pour prendre l’unique poste du soir… » « La santé de Beethoven est meilleure quelle n’était avant… »