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BEETHOVEN

Mais Walter Riezler fait observer qu’en fin de compte, Beethoven a substitué à la fugue, pour conclusion à son quatuor, « l’allegro humoristique que l’on connaît, et que cette terminaison était aussi légitime que l’autre. Car, dit-il, la suite des cinq morceaux précédents contenait deux possibilités latentes : la montée de la tension jusqu à une intensité surhumaine, en prolongeant la ligne de faîte jusqu’à la fin de l’œuvre, ou la détente en une allégresse qui, à la vérité, souvent voile à peine les abîmes du monde. Les deux conclusions sont organiques, les deux s’accordent avec l’« Idée » de l’œuvre, — car celle-ci est évidemment tout à fait opposée au « Welthintergrund » (à la descente aux profondeurs).

Constatons dans cette dualité d’appréciation du vrai finale qui convient à l’œuvre, un secret accord sur ce point essentiel, que le quatuor op. 130 est commandé par la pensée de son finale ; et comme il est très difficile d’y ramener logiquement le kaléidoscope des cinq morceaux précédents, les commentateurs veulent y voir (quel qu’il soit), une évasion de l’esprit créateur, ou par l’envolée surhumaine — presque inhumaine — de la Grande Fugue, — ou par le rire exubérant du Rondo humoristique.

Dans les deux cas, c’est également l’enchanteur-maître de la vie, libéré d’elle, — le Prospero, qui, à la fin, brise le mirage du monde, non sa baguette.

Nous voulons bien, la conception est attrayante ; mais elle nous semble d’un bon siècle en avance sur l’esprit de Beethoven[1]. Cet idéalisme transcendental sent la volonté de puissance de Wagner et la folie sacrée de Nietzsche.

  1. Ce n’est pas qu’il ne rêvât longuement sur la Tempête de Shakespeare (nous le savons), — ni qu’il n’ait ça et là, semé les graines du