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BEETHOVEN

Nous ne redescendons pas sans secousse de ces cimes de la pensée à la petite Marche populaire, qui suit (Alla Marcia, assai vivace). Elle ne s’insère pourtant pas à cette place, par hasard. Beethoven l’a notée, au cours de son travail de Yadagio (p. 18 et 25 du Cahier italien)[1]. C’est le retour à la vie quotidienne. Il reprend pied. Ce n’est pas la première fois que Beethoven intercale, d’une façon un peu surprenante pour nous, une marche, d’aspect militaire, au milieu de ses méditations. Nous en avons rencontré une, immédiatement après la délicate rêverie du premier morceau de la sonate op. 101, immédiatement avant la profonde Sehnsucht de l’adagio (Vivace, alla Marcia). — Et Beethoven a écrit, avec un plaisir non dissimulé, plus d’une marche militaire, dans un style populaire assez banal. On sent qu’il eût volontiers emboîté le pas avec la foule, aux défilés militaires. Il avait en cela le goût sain, enfantin, un peu commun, d’un homme de la rue. — Mais naturellement, le musicien ne perdait pas ses droits. Et la petite marche du quatuor, beaucoup plus réduite que la marche, plus travaillée et plus compliquée, de la Sonate, est finement écrite. L’élan de marche reste discret, dans une demi-teinte, où les p. et les dolce alternent avec les f. Ce n’est pas encore la joie certaine du retour à la vie et à l’action. Beethoven y retrouve aussi ses préoccupations d’avant la maladie, et ses premiers soucis

  1. Il semble que les premières esquisses, assez nombreuses, se trouvent dans le Cahier russe, cahier de notes prises en promenade ; et c’est naturel. La marche est marquée du rythme des pas de Beethoven.