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LES DERNIERS QUATUORS

curieuse révélation sur l’être secret de ce génie, qui paraît tout de premier élan, et, qui, beaucoup plutôt replié sur son obscure méditation, a besoin d’en déterrer petit à petit le sens profond, pour en dégager l’élan. Il opère au rebours de nos rhéteurs, qui commencent par crier : « Marchons ! » avant de savoir où ils vont : (le plus souvent, ils ne le sauront jamais, car ils piétinent sans avancer). Il se découvre. Sa création est une exploration, au centre du moi. L’œuvre dégagée est un monde. Quand elle est née, elle se met en mouvement ; ses lois s’imposent à l’esprit et s’y inscrivent.

Et maintenant que nous avons suivi la genèse de cette œuvre unique, embrassons-en le panorama :

Deux grands motifs d’architecture, — comme deux mondes associés : un choral à 5 versets, avec prélude et interlude, en tonalité ecclésiastique de fa sans si bémol, à 4 temps, qui revient trois fois ; un andante, en ré majeur, 3 /8, qui revient deux fois.

Le choral commence sotto voce et n’élève le souffle, par cresc. discrets, que pour retomber dans le p., sauf à la finale du troisième verset, qui forme le faîte de la période et est marqué d’un bref f., aussitôt éteint. — L’andante présente une alternative de mesures piquées et liées, les unes f. les autres p., qui expriment les bonds du cœur et ses retombées. Au premier violon, se multiplient ces brusques contrastes, dans une ivresse du sentiment qui se traduit par des trilles, des gazouillis, des volètements, se propageant aux trois autres parties. Cette fièvre trouve un apaisement dans la belle phrase de remerciement, qui est marquée p. cantabile espr. ; et la montée du cœur cresc., qui déborde de gratitude et d’attendrissement, s’achève en p. più p. pp.

À sa rentrée, le choral s’est posé sur l’octave supérieure,