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LES DERNIERS QUATUORS

Enfin, le génie s’en rend maître, et de tous ces transports — longtemps après (p. 25) — construit la phrase immortelle :

[partition à transcrire]

Peu d’œuvres de Beethoven sont plus imprégnées de son humanité ; on communie avec sa chair et avec son sang. Et le sacrifice qu’il célèbre est d’une beauté rarement atteinte ; la fleur d’émotion la plus intime et le lyrisme le plus moderne s’y marient harmonieusement à la noble frise religieuse d’un Parthénon chrétien[1].

  1. Il est intéressant de comparer ce Heiliger Dankgesang avec celui pour la convalescence de la sonate op. 110.

    Dans l’adagio ma non troppo de la sonate, un récitatif très douloureux, où s’exprime la solitude sans espoir, précède l’Arioso dolente (klagender Gesang), dont l’accablement final trouve, sinon un allègement, une normalisation, un effort d’ordre viril, dans la première exposition de la fugue. — Il retombe, plus profondément encore et plus brisé, « Perdendo le forze, dolente « (Ermattet, klagend.), dans un beau chant de douleur déchirante, entrecoupée, qui s’achève, épuisé. — Puis, le miracle : après les grands accords cresc. qui semblent sceller la dalle du tombeau, — dim. se relève, furtif, presque invisible, l’arpège de sol majeur, qui ouvre la porte au « retournement de la fugue » (l’inversione della fuga — Die Umhehrung der Fuge), en tonalité claire, et transfigurée. Beethoven a écrit au-dessus : « Poi a poi di nuovo vivente. Nach und nach wieder auflebend. » — Le flot de vie se remet à couler, peu à peu, puis à torrent, (poco a poco più moto, — nach und nach geschwinder). — Le motif de la fugue, (qui était celui, nostalgique, du