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LES DERNIERS QUATUORS

incarnations du héros, où Beethoven ne se lasse point de chercher refuge et revanche à sa destinée humaine mortifiée[1]. Mais le héros ici n’a plus l’entrain joyeux de la jeune brute impériale de l’Eroica. Il est marqué de mélancolie, et, dans sa marche, il cueille moins de lauriers que de blessures. Ce qui frappe, c’est la constance de cette marche, que rien ne décourage jamais. On serait tenté, dans l’interprétation, de céder à trop de rallentando, pour appuyer sur les hésitations. Mais qu’on le remarque : dans la partition de ce premier morceau, minutieusement revue par Beethoven[2], il n’y a que deux rilard., de deux mesures chacun (mes. 71-72, et 186-187). Au reste, point d’éclat. De très rares et très brefs ff., dont le principal (mes. 247-8) précède de peu le vaillant crescendo de la fin. (Et cette ûn héroïque même ne s’élève

  1. Vincent d’Indy (Cours de Composition) a bien senti que le thème de quatre notes du début « semble contenir la clé de toute l’œuvre, dans laquelle il circule, tantôt droit, tantôt renversé ». Mais il se refuse à l’analyser, du point de vue psychologique. — Il fait aussi rentrer le thème du héros dans le premier thème d’introduction, dont il forme, à son sens, un élément distinct : ce qui n’est point en désaccord avec mon explication, car le destin, l’énigme posée, fait bien partie de la substance même du héros : ils sont inscrits en lui.

    C’est une des idées maîtresses de la critique Beethovenienne par V. d’Indy, que celle « des affinités des thèmes « — « la pénétration mutuelle des deux idées d’une même pièce », qui tend à une unité intime. — « Cette tendance est encore renforcée par des relations thématiques, qui donnent à l’œuvre, de plus en plus, une forme cyclique. L’introduction y joue le principal rôle, par son affirmation d’éléments thématiques destinés à se retrouver dans la pièce qui suit, et parfois même dans les autres. »

    (L’exemple le plus frappant en est le quatorzième quatuor en ut dièze mineur, op. 131).

  2. Voir, dans une lettre de 1825 à Holz, précisément au sujet du quatuor en la mineur, l’importance qu’il attache à l’exactitude absolue des signes marqués i points ou accents, etc.