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GŒTHE ET BEETHOVEN

Il écrit ceci à ses éditeurs. Et c’est déjà imprudent, de confier ses impressions à des étrangers. Mais il ne s’en tient pas là. Beethoven a un gros défaut : quand il a dit à quelqu’un une parole blessante, il ne lui suffit pas qu’elle reste entre lui et son partenaire ; il la communique au monde. Après qu’ « il a lavé la tête » à Goethe, selon son expression, il court chez les Arnim raconter la « farce » car, pour lui, ce n’est rien de plus : « il se réjouissait comme un enfant, d’avoir ainsi taquiné Gœthe A » On pense si les Arnim ont tenu la farce sous le boisseau î Plus sensibles, par leur brouille, aux faiblesses de Gœthe, ils étaient blessés, dans le même temps, par sa courtisanerie ; et ils en parlaient vivement, dans leurs lettres de Teplitz 1 2.

Encore si, dans son bavardage, Beethoven se fût borné au cercle de Bettine et des intimes ! Mais il s’en va colporter l’histoire à tout venant. Le bijoutier Joseph Türck, de Vienne, qui a son magasin, pendant la saison, à Teplitz, conte à qui veut l’entendre la bonne plaisanterie que Beethoven a faite à Gœthe : tandis qu’ils se pro- 1. « Und freule sich ganz kindisch, dass er Gœthe’n so geneckt habe. s

2. Ils n’étaient pas les seuls. Gœthe exagérait alors la soumission aux grands et à la victoire. Il venait de célébrer l’impératrice de France et le blocus continental. Les patriotes allemands en étaient révoltés. L’ironie populaire se vengeait, en appelant sa femme : * Frau Abstinentalratin. »