Sa lettre, d’une modestie touchante, déborde d’amour et de respect. Elle annonce à Gœthe l’envoi prochain de la musique d’Egmoni 1, et sollicite son jugement :
« — Oui, même le blâme me sera un avantage, pour moi et pour mon art. Je le recevrai d’aussi grand cœur que le plus haut éloge. » A noter que l’humble grand homme — (humble, il ne l’est qu’avec Gœthe ! méprisant de tous les autres) — lui a déjà fait remettre, l’an passé, par Bettine, trois admirables lieder sur des poèmes de Gœthe, et que Gœthe n’en a rien dit. Beethoven n’a pas un mot, cependant, d’impatience, ou de reproche déguisé. Il renouvelle l’offrande, avec la même humilité.
La lettre est portée à Weimar par le secrétaire de Beethoven, Franz Oliva, un jeune homme distingué, sympathique, dont Varnhagen et Rahel ont parlé avec estime. Gœthe le reçoit à sa table, le 4 mai 1811. Après le repas, Oliva se met au clavier, et joue du Beethoven. Que fait Gœthe ? Pendant qu’Oliva joue, il se promène, impatient, avec Boisserée, dans la salle de musique. Boisserée, à qui les compositions de Beethoven ne plaisent pas davantage, se distrait en regardant sur les murs les peintures de Runge, ce grand artiste, dont une époque récente a remis en lu¬ 1. Mais limpression de la musique fut retardée ; Gœthe ne la reçut qu’en janvier 1812.