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GŒTHE ET BEETHOVEN

Etrange destin de la langue musicale : n être pas comprise ! De là, toujours la fureur contre ce qu’on n’a pas encore entendu, — non seulement parce que ce na pas été compris, mais parce que ce n était même pas connu. L’homme 1 se raidit en face de la musique, comme un morceau de bois 1 2. Ce qui est connu, il le tolère, non parce qu’il le comprend, mais parce qu’il y est accoutumé : comme l’âne à sa charge quotidienne. Je n’ai encore rencontré personne, qui ne se soit détourné de la musique, avec fatigue et accablement, s’il en a entendu pendant un certain temps. C’est là une conséquence nécessaire, que l’on comprend beaucoup mieux que le contraire : que peut encore un homme qui a de grands desseins 3, s’il ne commence par se libérer de la routine du métier automatique 4, s’il ne mène pas sa vie propre, où aucun autre homme ne peut fourrer ses mains ?... Il peut bien « faire » de la musique, mais il ne pourra pas délivrer les esprits de la lettre de la loi. Chaque art se fait fort de repousser la mort, de guider l’homme aux deux/ mais là où les Philistins montent la garde autour, il se tient, la tête tondue, et humilié : ce qui doit être libre volonté et libre vie n’est plus 1. [« Zelter muss vermeiden, dem Beethoven gegenüberzustehen » (Zelter doit éviter de s’opposer à Beethoven). 2. « Wie ein Holzbock ».

3. Littéralement : « wenn er ailes will ». 4. Wenn er sich nicht loss macht von den Handwerkern ». Littéralement : « s’il ne se libère des manœuvres. »