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ANNEXES

Le génie y est toujours solitaire et méconnu, car il s’est fait lui-même son chemin, non pas en pleine lumière, mais presque sans s’en rendre compte et sans avoir conscience de soi-même. Il faut beaucoup d’hommes pour une apparition du génie. Et en retour, il faut que le génie ait une action vive et persistante sur le commun des hommes 1 ; sans quoi, pas de génie. — Sans public, pas de musique.

Volupté, aux siècles passés, de pénétrer comme au travers d’un cristal, l’intelligence qui domine l’œuvre, qui la conduit, l’élan de l’esprit... Jamais plus, dans la musique ! Ce qui s’est éteint avait son temple propre ; le temple s’est écroulé ! Et maintenant c’est affaire au cœur où doit retentir l’esprit dx la musique, et au tempérament individuel 1 2. Mais quel musicien peut se conserver assez innocent et pur, pour ne sentir (et exprimer) que ce qui est bon ?

1. « auf die einzelnen erkzeuge (Menschen)... (sur les instruments isolés (hommes) » — J’interprète ceci comme un rythme d’action et de réaction qui s’exerce entre le génie et la masse humaine, interdépendants l’un de l’autre. Il faut au génie cet humus. Et il le féconde, à son tour.

2. « Wie das Herz gebaut ist » (« selon la structure de chaque cœur »). — Je comprends ce paragraphe ainsi : Aux siècles passés, la musique était soumise à de claires lois intellectuelles. A présent, règne le subjectivisme en sentiment ; le génie est maître. Mais qui peut répondre que ces forces obscures s’exerceront toujours dans le sens le plus pur ?

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