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GŒTHE ET BEETHOVEN

alors, de voyager. La guerre était partout. Pour accompagner son beau-frère Jordis et sa sœur, de Cassel à Berlin, d’où ils se rendirent ensuite à Weimar, les deux femmes avaient pris des habillements de garçons... Dirait-on pas une scène de « Comme il vous plairaP »... Enfin, Bettine arriva seule, le cœur battant, près de défaillir d’émotion, à la porte de Gœthe. Elle avait un mot de recommandation de Wieland, qui la présentait comme la fille et petite-fille des mortes amies et aimées... Redirai-je cette visite si connue ? Elle a été très bien racontée par Fritz Bergemann, qui, tout en passant au crible les récits transfigurés plus tard par Bettine, en a vérifié les détails essentiels et exprimé délicatement l’émotion. Emotion partagée par le vieux homme et la jeune fille... Pour lui, que de souvenirs ! C’était bien une morte chérie qui venait le visiter... Pour elle, un tel flot de sentiments mêlés, joie, terreur, impossibilité de parler, accablement subit et brusque apaisement... que, par une réaction étrange et qu’on a quelquefois sottement ironisée

— mais qu’elle est naturelle ! — la jeune fille épuisée perdit conscience, et sur les genoux, dans les bras de Gœthe, s’endormitx... Ce ne fut qu’un 11. Elle rappelle à Gœthe cette minute extatique, dans une lettre du 30 juillet 1808 : — « Quand je vins enfin chez toi — un rêve ? en ce moment encore, un rêve merveilleux I — ma tête s’appuya sur ton épaule, je dormis quelques minutes, pour la première fois après quatre ou cinq nuits sans sommeil... »