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GŒTHE MUSICIEN

(Gemüt). Le chant lui-même doit retourner à la simple parole, quand il lui faut atteindre aux sommets du dramatique et de Vémotion. Ceci, tous les grands compositeurs Vont remarqué. »

Ainsi, la musique n’est point pour lui, comme la conçoivent les grands musiciens, l’achèvement de la parole. C’est la parole du poète qui est l’achèvement de la musique.

Et, dans les deux cas, chacun dit vrai, si, dans les deux cas, le génie œuvre. Car il embrasse le monde intérieur, le Moi total. Et si varient les proportions des éléments dont il use, pour l’étreindre et pour l’exprimer, la somme des éléments reste la même. Un Goethe est musicien en * Il« Avec peu de tons entiers, il exprimait tout ce qu’il voulait. Cette déclamation avait des intervalles extrêmement petits. Entre ut et ré, on eût compté peut-être seize sons, qu’on n’aurait pu noter musicalement. Cette déclamation était caractérisée par l’attaque (ou l’entrée), la mélodie, le passage dans une autre mélodie, et le retour à la première tonalité. » (On croirait lire la description d’un premier morceau de sonate de l’époque.)

Mais avec l’âge, il perdit cet art de la nuance, ou le sacrifia volontairement à * la joie de la sonorité », (s seine Freude am Klange ») Il aimait trop à faire sonner, en lisant, sa belle basse, et son débit était « trop marqué ». On le lui a quelquefois reproché. (On le préférait dans la lecture du comique. Il était — qui l’eût cru ! — un Falstafî incomparable... Genast l’atteste.) Cependant, il gardait toujours dans la conversation un ton « doux et mesuré », (a leise und gemessen »). — Mais il avait un trop-plein de vie et de force (voire brutale) à dépenser. Il apportait à son expression et à son jeu dramatique une telle violence, par moments, qu’à une répétition du Roi Jean, il fait tomber en convulsions la petite actrice qui lui donnait la réplique. (Genast.)