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GŒTHE ET BEETHOVEN

La troupe n’était pas seule à être soumise aux lois d’un orchestre. Le maître-poète obéissait, dans sa création, à l’esprit de la musique. En pleine maturité (1796-1806), il lui arrivait, avant d’écrire l’œuvre, de noter, en mots sans suite ni sens, les sonorités et la mesure du morceau. Aux versificateurs qui le rappelaient au respect du code traditionnel des mètres et des rimes, il répondait : — « La musique, d’abord ! » (« Lass mich des Gesangs geniessen ! »)

Mais cette musique n’était point celle des musiciens. Il prétendait bien en créer une autre, à part, qui lui était personnelle1, et il la jugeait supérieure, à celle sans parole. Après s’être pénétré de celle-ci, le poète-roi reprenait le sceptre

— auquel, pas un instant, il n’avait renoncé : — « Le mérite de la belle parole (Rede) humaine, dit-il à Knebel, surpasse de loin celui du chant. Il ny a rien à lui comparer : ses inflexions et ses modulations (Abwechslungen und Mannigfaltigkeiten) sont innombrables 1 2, pour l’expression du sentiment 1. J’ai déjà marqué l’opposition, en ceci, de Goethe à Schiller, qui avait trop le penchant au « parler en musique », (ou, plus exactement, au « parler sur de la musique»), c’est-à-dire au « mélodrame ». Gœthe revendiquait l’indépendance musicale de la parole poétique : elle est, chez lui, une musique autonome, qui a son existence propre ; elle porte en elle son orchestre et ses chants. 2. En fait, la déclamation poétique de Gœthe était, vers 1800, très nuancée. Le pasteur Ewald d’OSenbach écrit, en 1799 :