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GŒTHE ET BEETHOVEN

de leurs fresques. Et, poétiquement, il créait une musique qui les dépassait. Aucun génie musical n’a pu, ne pourra jamais rendre en un lied certains lieder de Goethe, qui font tenir en deux lignes l’immensité : « Ueber allen Gipfeln ist Ruh... » — « Was... durch das Labyrinth der Brust wandelt in der Nacht... » Spitta dit ce mot profond : « Ils sont trop musicaux pour pouvoir être mis en musique. » La musique instrumentale pourrait seule se risquer à en évoquer le mirage. Mais ce ne serait que leur atmosphère, l’orbe magique — mais l’orbe vide. Il manquera toujours à ces grandes ondes de lumière qui soulèvent l’Océan sonore, le mot précis qui les enchaîne et qui concentre sous son sceau l’Esprit. Gœthe a créé une « Sprechmusik » (une musique de la parole). Et il l’a su. Car il a voulu, aux temps où il régnait sur un petit peuple de déclamateurs et de comédiens, leur imposer la plus stricte des écoles pour la parole musicale. Ce fut surtout au début du siècle, entre 1800 et 1807, qu’il s’y appliqua et soumit vigoureusement sa tribu de Weimar à sa férule de chef d’orchestre. Ceci n’est point une métaphore. Car il en vint à se servir