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GŒTHE ET BEETHOVEN

Zelter des mélodies, les mélodies de Zelter lui ont inspiré plus d’un lied ; et je serais certain, si nous vivions ensemble, de me sentir porté plus quà présent à la Stimmung lyrique. »

A-t-il donc trouvé enfin, à cinquante ans, le collaborateur musical, dont il a tant rêvé ?

— Non. Il va au-devant de nouvelles déceptions, dont il ne parlera point : car Goethe ne se plaint jamais à un autre, il ensevelit en lui ses mécomptes. Dieu sait qu’ils ne lui ont pas été épargnés !

Certes, il trouve en Zelter le plus fidèle, le plus affectueux, le plus dévoué des amis, une âme qui enfonce en lui ses racines, qui puise en lui toute sa joie de vivre, et qui lorsqu’il mourra, mourra *. Et certes, ce musicien s’est fait le décalqueur le plus exact de la pensée de ses lieder : au point, écrira-t-il à Gœthe, qu’il n’a même pas besoin de « chercher des mélodies nouvelles : il î. Peu d’histoires sont plus touchantes que ce départ, presque simultané, des deux amis. Gœthe meurt, le 22 mars. Zelter, qui lui avait encore écrit, ce jour-là, perd sa force et sa joie, d’un coup. Il vieillit de dix ans en un jour. Il dit, les lèvres tremblantes : « J’ai perdu mon plus cher bien, ici-bas. » (« Ich habe mein Liebstes auf Erden verloren. ») Il dit encore : « Je suis comme une veuve, gui a perdu son homme, son seigneur et son nourricier. » — Au début de mai, il se sent gravement malade. Rentrant dans sa chambre à coucher, il s’incline devant le buste de Gœthe, et dit : « Excellence, vous avez eu naturellement le pas ; mais maintenant, je vous suis. » (« Excellenz hatten natürlich den Vortritt, aber ich folge bald nach. ») — Il se couche, et meurt, le 15 mai. Qu’on ne dise pas que Gœthe ne sut pas être aimé et aimer