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GŒTHE ET BEETHOVEN

« saltatio » 1 : — ce qu’il explique à Kavser comme un mouvement mélodique et rythmique sans relâche. Il y revient, à plusieurs reprises :

— « Ma conception la plus haute du drame est une action sans repos » (« Mein hôchster BegrilT vom Brama ist rastlose Handlung »). Mais là encore, il risque d’être grisé par le concept de perfection intellectuelle. Il se ressaisit. Son sens psychologique du public, aiguisé par la pratique du théâtre et la connaissance des comédiens, lui fait reconnaître l’impossibilité d’une telle réalisation. La nature humaine ne s’y prêterait pas. Il faut que le repos alterne avec le mouvement ; et Gœthe convient de réserver aux finales de sa pièce le tourbillon du mouvement et du bruit. (D’instinct, les maîtres italiens de Y opéra huffa en avaient fait leur règle.) Gœthe s’est aussi appliqué à de longues études du rythme poétique, dans la comédie musicale. Et là, il ne suit pas les Italiens. Au lieu de leur discours uni et coulant, si propre à la belle mélodie, il en brise le cours, à tous les points où affleurent les passions. Son idéal de ce temps là, bien Mozartien, n’a rien d’académique et de pompeux : il veut marier ensemble beauté, mouvement et vie. Et c’est pourquoi il recrache avec ennui l’insipide opéra séria d’Italie, tout ce qui est 11. D’après l’antique expression : « saltare comcediam »... La comédie est faite, pour être sautée, — jouée en dansant ou courant.