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GŒTHE MUSICIEN

ferait une large place à l’émotion. Mais on ne refait pas une fonte refroidie ; et déjà, Kayser s’est figé dans le premier moule, il est dénué de souplesse et ne peut suivre la constante évolution d’esprit de son grand collaborateur. Au total, une perte de temps inouïe, des peines énormes dépensées pour rien. En automne 1789, Goethe, loyal comme il est toujours, en déposant son bilan, convient que « geht die ungeheure Arbeit verloren ». (« Le monstrueux travail est perdu ! ») 1

Ce qu’il en reste de plus durable, c’est peut-être cette correspondance avec Kayser, d’où se dégage une esthétique théâtrale forte et frappante. Goethe veut que tout, dans l’œuvre, soit 1. Dans l’intervalle, Goethe a entendu, à Weimar, et en Italie (3 septembre 1786-18 juin 1788) une quantité d’opéra bujja italiens : de Goldoni et Piccinni, de Salieri, de Cimarosa. Il s’en pénètre. Il a revu et refait ses anciens Singspiele, d’après ses expériences nouvelles du théâtre italien. Il a même cherché à mettre en paroles italiennes son Scherz, List und Rache. Car l’allemand lui paraît maintenant une « barbarische Sprache » en musique ! Ah ! s’il avait su depuis vingt ans ce qu’il sait aujourd’hui ! Il se serait assimilé l’italien, afin de travailler pour le théâtre lyrique ... Il fonde aussi cette préférence sur une singulière raison esthétique : la nécessité d’employer une langue étrangère inusitée — l’italien ou le latin — pour représenter, au théâtre, des événements extraordinaires, des héros qui aiment, agissent et meurent en chantant (Lettres de 1786). — Dans cette période, il fait travailler Kayser à la musique d’Egmont ; et il écrit pour lui un opéra dont le sujet est tiré de l’histoire récente de Cagliostro et de l’Affaire du Collier. La première esquisse est en italien.