Elle est l’Orphée qui enchaîne les démons du coeur. Bénis ses doigts, et que son nom soit sacré ! C’est grâce à elle que le vieillard qui succombe sous le poids de sa passion, reprend souffle, et que se rouvre en lui la création. Elle restera dans le Panthéon de Goethe la déesse même de la musique. Sa reconnaissance sur-le-champ s’exprime en un admirable poème qu’il lui écrit, du 16 au 18 août 1823 1.
1. Ce poème intitulé : « Aussôhnung » (Réconciliation), a été, deux ans plus tard, classé par lui comme troisième partie de la Trilogie der Leidenschaft (Trilogie de la Passion), dont la fameuse Elégie de Marienbad forme le centre. En 1831 (1er décembre), s’entretenant avec Eckermann, il conte qu’il avait d’abord écrit l’Elégie, comme un poème complet, puis que la visite de Szymanowska avait, « pur ses ravissantes mélodies éveillé en lui un écho des heureux jours de jeunesse », et que les vers qu’il lui dédia avaient surgi « dans la mesure poétique et dans la sonorité de l’Elégie », dont ils avaient formé un « épilogue réconciliant. » Mais son imagination a, après coup, changé le cours de sa création. En réalité — (et c’est frappant) — le poème à Szymanowska a devancé, d’un mois, l’Elégie à Ulrike : car son Journal même nous indique que celleci a été écrite du 17 au 19 septembre 1823, après qu’il était rentré à Weimar. Ainsi, l’accord douloureux n’a été noté qu’après sa « résolution » dans l’accord final apaisant, que firent sonner sur le clavier les doigts de la Gle Cécile.
Quant à la première partie de la Trilogie, le poème « An Werther », il fut écrit le dernier, du 24 au 25 mars 1824, pour une nouvelle édition du Werther. Goethe dit à Eckermann : « Comme j’avais toujours encore un reste de cette passion au co ur, ce poème s’est modelé de soi-même, comme une introduction à l’Elégie. Ainsi, les trois poèmes ont été pénétrés du même sentiment d’amour et de douleur j et la Ttilogie s’est formée, je ne sais comment ».
