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GŒTHE ET BEETHOVEN

qui suit, y a succombé. Le seul Wagner eut la vigueur de reprendre dans son poing le sceptre, que les Apprentis Sorciers avaient laissé tomber. Mais Beethoven ne se douta jamais de ces dangers qu’il déchaînait. Pas davantage, il ne comprit (espérons qu’il ne s’en douta point !) la répulsion secrète qui écartait de lui l’homme que le plus au monde il vénérait. Qu’il ait dû souffrir du silence obstiné de Gœthe, des non-réponses à ses lettres, nous pouvons l’imaginer. Lui, l’emporté, qui ne tolérait point un manque à ce qu on lui devait — fût-ce de l’un des maîtres de la terre, — il ne témoigna jamais de rancune pour l’attitude inconcevable de Gœthe. Même pas une plainte. Dans ses Cahiers de Conversations de 1819, on voit qu’un de ses interlocuteurs a voulu, devant lui, dénigrer Gœthe : « Gœthe ne devrait plus écrire. Il lui arrivera (même mésaventure) quaux chanteurs (vieillis). » Sans doute, Beethoven l’interrompt violemment et proteste : car l’autre fait amende honorable, et se hâte d’écrire :

— « Il demeure, malgré tout, le premier poète de VAllemagne1. »

Les jours de Teplitz ne sont pas effacés ; mais il n’en reste plus à Beethoven que la lumière. Les ombres du portrait se sont toutes dissipées. Il ne 1. Après le départ, du visiteur, on voit, dans le Cahier de Conversations, que Beethoven se plaint de lui à Sohindler.