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GŒTHE ET BEETHOVEN

« ... Dont j’ai à me défendre plus que jamais... » Toujours, et de plus en plus en approchant de la mort, cette attirance secrète et cet effroi du gouffre ! Beethoven était le gouffre, pour Goethe ! La scène fameuse, qu’a racontée Mendelssohn, nous le révèle. Elle nous fait assister à l’inquiétude du vieux homme, au refoulement colérique par lequel il s’efforce de tenir emprisonnés les démons sauvages qui, soixante ans plus tard, bouleverseront le vieux Tolstoy de la Sonate à Kreutzer... C’était en 1830, trois ans après la mort de Beethoven : — « L’avant-midi, je dois lui jouer une petite heure de tous les grands compositeurs, dans l’ordre historique... Il est assis dans un coin obscur, comme un Jupiter tonnant ; et il jette des éclairs, avec ses vieux yeux. Il ne voulait pas entendre parler de Beethoven ; mais je lui ai dit que je n’y pouvais rien, et je lui ai joué le premier morceau de la Symphonie en ut mineur. Cela le remua étrangement. Il dit d’abord : « Cela n émeut en rien, cela étonne seulement (das bewegt aber gar nichts, das macht nur staunen), cest grandiose !

» Il grommela encore ainsi, pendant un

moment ; puis, il recommença, après un long silence : « C’est très grand, c’est absolument fou ! On aurait peur que la maison s’écroule... Et si c’était joué maintenant par tous les hommes