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GŒTHE ET BEETHOVEN

Beethoven, les agitations de cette année, la faiblesse fiévreuse de son cœur désordonné, expliquent que dans cet ouragan la requête de Beethoven ait disparu comme un fétu. Évidemment, l’on pourra dire que cet égoïsme passionné manquait des ressources de l’amour-charité, qui trouve une noble diversion à son propre malheur, en allégeant celui des autres. Mais quand cet égoïsme sans mesure, où se reflète l’univers, est le principe d’un monde d’intelligence lumineuse et de beauté, qui oserait le condamner ? Autant accuser la splendide indifférence du soleil !

Je réserve ma sévérité au compagnon fidèle, mais sans bravoure : Zelter. Car la médiocrité n’a pas les excuses du génie : si elle n’est pas bonne et loyale, que lui reste-t-il ? Zelter avait d’autant plus le devoir de rappeler à Gœthe la supplique de Beethoven que lui-même l’avait reçue et qu’il en avait compris le sens pathétique. Depuis la rencontre qu’il avait faite de Beethoven, en 1819, ses sentiments pour lui s’étaient complètement modifiés. Excellent homme, au fond, sous ses rudes dehors, Zelter avait été ému, jusqu’aux larmes, de la misère physique et de la bonté de Beethoven[1]. À dater de ce jour, il lui

  1. « Le malheureux est aussi bon que sourd. J’ai pu à peine retenir mes larmes. »

    Quand Zelter écrit, en 1825, à Beethoven, par l’intermédiaire de Rellstab, qui remet la lettre, c’est « en des termes tels (dit Rellstab)