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GŒTHE ET BEETHOVEN

que le fait fondre en pleurs. Un mois de séparation est plus qu’il ne peut supporter. Il retrouve en septembre les Levetzow, à Karlsbad ; et ce septuagénaire danse avec les demoiselles. Qu’on ne le taxe pas de sénilité ! La grande Élégie passionnée, que ses tourments lui inspirent, est une œuvre magnifique ; elle a la plénitude de passion et d’art, à la fois, du dévorant Werther et des chefs-d’œuvre de la maturité. Il vit dans la tempête et la sème autour de lui. Dans sa maison, ce sont des scènes indécentes : fureurs du fils, quand il sait que le vieux veut se marier. Sa demande en mariage est sagement écartée par les Levetzow. Goethe en est accablé. Vers la fin de l’année, une grave maladie le terrasse, de nouveau. A son foyer, personne ne s’occupe de lui. Zelter, qui arrive inopinément, est effrayé de l’abandon où gît son compagnon. Les deux vieillards s’épanchent, dans les bras l’un de l’autre. Goethe avoue sa peine. Le dernier rêve de bonheur humain est brisé. Il lui faut revenir au renoncement, à la solitude mortelle. « Si Gœthe mourait à cette date, écrit Emil Ludwig, il mourrait vaincu. »

Grâce à Dieu, il a vécu, et il s’est taillé, dans le mur de glace de la douleur, un escalier pour s’élever jusqu’à des cimes qu’il n’avait pas encore atteintes.

Mais on voit que si la maladie de février est une excuse insuffisante à l’oubli de la lettre de 7