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BEETHOVEN

élégante redingote serrée à la taille, qui, le poing sous le menton, et le coude appuyé sur la balustrade du jardin, dévore des yeux la fenêtre de Giulietta, au rez-de-chaussée » et elle, dissimulée derrière les rideaux, épie l’étrange Roméo. En tout cas Beethoven n’avait aucun doute qu’elle ne le payât de retour. Sa lettre de novembre 1801, à Wegeler, dit formellement : « Elle m’aime et je l’aime... 1 » Et, en 1823, causant avec Schindler, il écrit sur un Cahier de conversation ces mots catégoriques : « J’étais bien aimé d’elle et plus que jamais son époux... 1 2 » Il l’a même accusée d’avoir tiré parti, plus tard, de sa passion pour elle et de l’avoir exploitée 3. Ces mots cruels, que je suis bien forcé de citer, car ils sont entrés dans l’histoire, ont pesé sur la mémoire de la gracieuse femme ; et tous les Beethoveniens ont fait la surenchère. Il est probable que Beethoven, s’il l’avait pu prévoir, eût été le premier à regretter ces propos. Notons qu’il avait pris la précaution de les écrire en français, pour que nul de son entourage ne pût les lire, en dehors de Schindler, dont les commérages malveillants venaient de les provoquer : (Schindler était le type du bon ami, qui croit de son devoir de rapporter fidèlement à l’ami ce qui peut 1. «... die mich liebt und die ich liebe... n 2. En français dans le texte. Mais Beethoven ajoute : « Il (Gallenberg ) était pourtant plutôt son amant que moi... » 3. «... Par elle j’apprenois de son misère (à Gallenberg), cl je trouvais un homme de bien qui me donnait la somme de 500 florins pour le soulager. Il était toujours mon ennemi, et c’ètoil justement la raison que je fisse tout le bien possible... Arrivée à Vienne (en 1822), elle cherchait moi pleurant, mais je la méprisois... » (Suite de la conversation par écrit, en français, avec Schindler, 1823).