Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/311

Cette page n’a pas encore été corrigée
274
BEETHOVEN

de son chant dans les ouvertures oe Leonore, c’est l’homme solitaire, muré, persécuté — c’est lui-même, Beethoven ; et c’est son rêve de bonheur et de victoire. Il ne s’agit pas seulement d’un thème musical personnifié ; Beethoven porte dans l’ouverture n° 2 l’essence de l’atmosphère dramatique et de l’action. Dès les premières mesures, le magicien évoque les murs de la prison, le demi-jour, et la plainte du malheureux enchaîné. Avec quelle hardiesse expressive il la fait moduler ! L’audace et le raffinement des dernières suites d’accords dans l’introduction adagio n’a jamais été par Beethoven renouvelée. Il était trop en avance sur son temps. C’étaient des perles jetées aux pourceaux. Cherubini lui-même se perdit dans ce « fouillis de modulations », et n’arrivait plus, disait-il, à retrouver la tonalité principale de l’ouverture n° 3, cependant assagie. — Le flot de l’action se rue dans Y allegro. Au milieu de ce fleuve fiévreux, la mélodie de Florestan reparaît sous différentes formes épisodiques, exprimant la douleur et l’espoir. A la Durchführung (la partie intermédiaire de Y allegro) est confié le rôle, qui lui convient par nature, de mettre aux prises les éléments opposés du drame et d’accuser leurs contrastes, ainsi que leur antagonisme. -—Beethoven était là dans son élément, sur le champ de bataille musical que lui-même venait de créer, par la Durchführung de la Symphonie Héroïque. Mais ici, point de part laissée au doute ! L’intention se précise. A la fin de la Durchführung, culmine l’action tragique ; la violence des passions qui s’étreignent, comme un nœud de serpents, est, ainsi que dans la tragédie, tranchée o un coup de hache, par la sonnerie des trompettes. Et ce qui