Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/305

Cette page n’a pas encore été corrigée
268
BEETHOVEN

version, une conclusion orchestrale d’allégresse amoureuse, dont Wagner s’est inspiré, pour l’air de joie juvénile d’Elisabeth. au début du deuxième acte du Tannhàuser. Maintenant, la Joie est entrée ; et Beethoven lui ouvre les portes toutes grandes, dans la scène monumentale qui termine Fidelio.

11 n’y était pas arrivé, du premier coup. Dans la première Leonore, le duo des époux était suivi d’un chœur des prisonniers, criant vengeance, à l’intérieur de la prison. On les entendait de loin, et Florestan rassurait Leonore inquiète. Les clameurs se rapprochaient. La troupe vengeresse entrait sur la scène. Puis, paraissait le ministre, apportant la liberté. Tout ce mouvement de scène était dramatiquement bon et frappant. Mais le grand poète musical, le chantre d’épopée, y renonça ; et il eut raison. Il comprit qu’après l’ivresse du duo, on ne pouvait plus rien supporter que l’explosion chorale et orchestrale de la fin, la fête d’un peuple entier. Pour des motifs analogues, il supprima des scènes suivantes un épisode excellent pour le drame mais qui coupait le jet de la joie : l’intervention de Leonore et Florestan, suppliant le ministre d’épargner à leur ennemi la peine du talion, l’emprisonnement dans le même cachot que Florestan vient de quitter...

— « Le châtiment serait trop affreux, disent-ils, pour Pizarre, qui n aurait pas, comme Florestan, sa conscience comme soutien. »

Nous pouvons être sûrs qu’il en coûta à Beethoven d’éliminer ce passage, qui répondait h son sentiment propre, à sa haute humanité. Mais contre le moraliste, 1 artiste