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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

le remplit. Et le monde entier —• et chacun de nous — se reconnaît en lui — comme lui, seul et infini... Après que l’orchestre a créé autour de nous l’abîme, la voix de l’âme, dans le silence, chante le désert où elle étouffe :

— a Œd’ist es um mich ker ; nichts lebet ausser mir... » Mais elle ne lutte point, elle se résigne. Et le bel adagio cantabile en la bémol majeur, d’une religieuse douleur, rappelle le bonheur évanoui. On y reconnaît, à certains traits, la frémissante affirmation beethovenienne de la vérité s — « ... Wahrheit, wagt’ich hühn zu sagen... » et l’héroïsme de la douleur acceptée, par la conscience du devoir accompli :

— « Süsser Trost in meinem Herzen, meine Pflicht hab’ich gethan... »

Dans la première version, ce caractère stoïque s’accusait jusqu’à la fin. Un andante un poco agitalo, en fa mineur, viril et mélancolique, d’une agitation contenue, annonçait certains grands lieder de Schubert et de Berlioz, affirmait le : a Fais ce que dois, advienne que pourra ! » •— « Florestan hat recht gethan... » Il me semblait plus conforme à la vérité du caractère et à son énergie que l’hallucination un peu factice, qui lui a été substituée, dans le Fidelio, — ce poco allegro en fa majeur :

— « ... ünd spür’ich nicht linde, sanfl saüselnde Luft ?... s où Florestan croit voir s’ouvrir les murs de sa prison : c’est une atmosphère tout différente, éclairée par le rêve, exsangue et décolorée. Elle a d’ailleurs sa beauté dramatique,