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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

tour mystérieuse, dont s’est nourri le romantisme musical germanique. De ces crescendi d’angoisse inexpliquée et d’épouvante, Weber a su tirer, dans son Freyschütz, des effets inconnus. Nos pauvres librettistes en étaient loin : il est probable qu’ils auraient eu peur de ces ébranlements : ils les avaient trop subis, dans la vie du temps, pour ne pas les atténuer sous le jeu de la comédie. Ainsi, tels de nos écrivains d’aujourd’hui, témoins blessés de la sanglante catastrophe de notre Europe, en fuient l’image dans leur art ; mais leurs divertissements esthétiques en portent, malgré eux, l’empreinte frémissante. La source obscure du trouble tragique où se complaira le romantisme, est dans l’ébranlement social, dans la terreur — dans la Terreur —• qui a marque la génération précédente. Ce que cette génération n avait osé que balbutier, un Beethoven l’exprime sans voiles, sans ménagements, avec la plénitude d’un cœur puissant et la maîtrise d un génie. Sa Leonore est un monument de 1 angoisse du temps, de l’àme opprimée, et de son appel à la liberté, •—■ un formidable crescendo, de la soufiiance à 1 allégresse, par le chemin de l’espérance et du combat. Une montée de l’abîme jusqu’en plein ciel. Cette parenté d’un robuste cadet avec des aînés de noble racex mais un peu débiles et étouffés par la rigueur des temps, ne se borne pas à de vagues ressemblances morales. Elle est nettement marquée dans la musique, avec une précision qui ne laisse place à aucun doute 1. L’écriture sympho- 1. Nous ne parlons pas do la Lùonore française de Gaveaux, que