Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/277

Cette page n’a pas encore été corrigée
242
BEETHOVEN

ral, insisté que sur les invraisemblances et les disparates du poème, ou sur l’adaptation imparfaite du génie symphonique de Beethoven aux nécessités dramatiques de l’opéra. On a quelque droit de présumer qu’ils n’ont pas saisi l’essence vraie, ni du poème que Beethoven avait à traiter, ni de l’Ode dramatique qu’il en a voulu faire. Sur le premier point, de bonnes réponses ont récemment été données. Hermann W. v. Waltershausen1 a pris la défense du librelto français. Il montre que le mélange des styles, tant critiqué, tout le début petit-bourgeois qui n’annonce guère les hauts accents de la tragédie, répond à une vision du sujet, qui est vraie et frappante. Au plus profond de la Terreur, jusque dans l’ombre de cette prison, où ceux qui entrent ont laissé, semblerait-il, ogni speranza, la vie tranquille continue, la vie bourgeoise, avec ses pots de géranium à la fenêtre, avec ses rêves d’amour de la jeune fille, avec ses calculs d’intérêt bonhomme et affectueux du vieux geôlier, avec ses quiproquos et ses dépits de comédie. Mais l’art est ici dans les touches légères, dans la progression insensible de l’ombre tragique, qui d’abord effleure de bout de son aile ces premiers tableaux de paix égoïste, puis s’étend, et bientôt va recouvrir toute la scène. Le librettiste français l’a indiqué. Il n’est pas sans intérêt pour nous que ces poetse minores (le mot de poète est bien gros !) de la comédie bourgeoise et de l’opéra-comique français, à l’époque révolutionnaire, aient, de l’aveu des historiens allemands, contribué à former l’atmosphère de clair-obscur et de ter- 1, Zur Dramaturgie des Fidelio, 1924 (voir plus haut).