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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Souvenirs 1 ; mais Beethoven n’en sut rien : car ils parurent, après sa mort ; et Leonore lui parvint sous le déguisement espagnol, dont Bouilly l’avait masquée, pour des raisons de prudence 2. On ne trouvera pourtant dans sa musique aucune couleur locale espagnole ; et son intuition, qui perce jusqu’au fond éternel, semble avoir deviné la proximité des temps terribles qu’il décrivait, à dix ans de distance du drame réel, et quand la véritable héroïne vivait encore. Inutile de rappeler l’action du drame qui, ramené à ses grandes lignes, décrit les horreurs d’une prison d’Etat et le dévouement d’une femme qui s’y introduit, sous un déguisement, pour sauver son mari. Les critiques n’ont, en géné- 1. Mes Récapitulations, 3 vol. Paris, Louis Janet, 1836-37 : — «... Un trait sublime d’héroïsme et de dévouement d’une des dames de la Touraine, dont j’ai eu le bonheur de seconder les généreux ejforts... »

— Bouilly était administrateur du département, à Tours, pendant la Terreur.

Il est frappant que l’autre librelto d’opéra, que Beethoven appréciait : Les Deux Journées ou le Porteur d’eau, ait été également inspiré à Bouilly par un autre fait du môme temps, — « par le trait de dévouement d’un porteur d’eau envers un magistrat de ses parents. » 2. I.conore ou l Amour Conjugal, fait historique espagnol en deux actes, musique de P. Gaveaux, représenté pour la première fois au théâtre Feydeau, le 1er ventôse an Vi (19 février 1798). « La scène se passe en Espagne, dans une prison d’Etat, située à quelques lieues de Séville ».

Ce n’était pas assez de ce déguisement, que du moins expliquaient alors les ménagements obligés envers des personnes vivantes. Quand Carvalho reprit, au temps de Berlioz, Fidclio, au Théâtre lyrique, pour le rendre plu3 pittoresque, il fit transposer l’action à Milan en 1495 ! Léonore devint Isabelle d’Aragon ; Florestan, Jean Galeas ; Pizarre, Ludovic Sfor/a ; et Fernando, Charles VIII ! Que tout ce clinquant romantique diminue la réalité farouche du vrai sujet ! 16