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BEETHOVEN

contester, si 1 on réduit le sens du mot à celui de « passion amoureuse » J. Ce sont de bien autres furies ! Un vent de folie souffle sur la lande du vieux Lear. C’est le lamonto forcené des amours, des espoirs, des amitiés, des ambitions brisés. La situation s’est encore aggravée, depuis le Testament de Heiligenstadt, deux ans auparavant. Car le malheureux en a dû reconnaître le caractère définitif. L’œuvre porte, en ses origines, distinctement la marque du sombre été de 1804 et des souffrances du corps et de l’esprit, qui s’abattirent sur le Titan, après l’achèvement de Y Héroïque. Le drame saisissant, pour qui cherche à scruter le problème de la création — (ce problème essentiel que, sans nous consulter, la nature résout, en nous et dans les autres, à tout instant, si simplement !) ■— c’est de voir à quel prix s’achètent les miraculeuses conquêtes du génie. Il les paye toujours, de sa vie, de sa santé, de la paix de ses jours. Car cette paix et cet ordre qu’il impose dans son art aux éléments soulevés, c’est par un effort de volonté si inhumain, si démesuré, que quand il se retrouve dans la vie de tous les jours, il est brisé. Beethoven et Michel-Ange en ont fait, tous les deux, la sanglante expérience 1 2. 1. Le tout est de définir la « passion ». Il est cu.neux de voir l’aimal >le dédain, avec lequel Czerny, la faisant redescendre de quelque degrés au-dessous, reportait le titre à’Appassionala à la jeune sonate op. 7, « à Babette » (mi bémol majeur), — ou du moins, à son premier morceau. Les pianistes d’aujourd’hui ne semblent guère s’en douter. Ils en font un divertissement, presque une ronde. Qui songe à lui donner ce caractère emporté ?

2. A ce propos, qu’il soit permis à l’auleur d’une Vie de Michcl-Ange, de fixer le vrai sens d’un livre, sur lequel les lecteurs, souvent,