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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Nous serions tentés de dire que nous connaissons déjà cette succession de deux genres do Sonates opposés : ainsi, le Clair de Lune se trouvait encadré entre la fantaisie mondaine de la princesse Liechtenstein et la Pastorale. Mais à regarder de plus près, non plus l’âme, invisible, mais le corps — (et le corps, c’est, par Dieu ! l’âme aussi, mais visible et palpable) — la texture vivante ■— (et pour qui sait voir au fond, s’inscrit dans tout organisme l’esprit qui le régit) •—• on découvre bientôt dans le corps des deux sonates les transformations de l’esprit de Beethoven, et combien il a grandi.

Entre plusieurs traits, deux principaux : — l’élargisse» ment prodigieux de la forme, que nous constaterons surtout dans Pop. 53 (L’Aurore), •—• et dès le début de l’op. 31 n° 1 A

Ces deux progrès de la forme correspondent — (comme toujours chez un génial artiste aussi sincère que Beethoven ) —• à des progrès de l’esprit •— disons, pour plus d’exac" titude, à des efforts inlassables pour le perfectionner, pour amender ses défauts et les muer en vertus. Ce besoin d’insister, d’appuyer, de répéter, que nous avons relevé dans le 11. Aug. Halm en a fait admirablement l’analyse dans son Beethoven, 1927. — Il s’agit de l’abandon de la tonalité, à peine établie, pour y revenir, après des jeux de modulations qui se plaisent à tenir l’esprit de l’auditeur incertain, suspendu. Au jugement de Halm, ces débuts des deux sonates, op. 31 n03 1 et 2 constituent un événement historique dans révolution musicale ; — « ils apportent en musique, ovj plus exactement dans l’essence harmonique tonale, un complet renouvellement. » — Et il pense que Beethoven avait conscience de sa découverte.