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BEETHOVEN

Dans l’op. 27 n° 2, elle remplira tout le champ de la vision. Le second morceau habituel des Sonates ne lui suffit pas. L’adagio prend la première place. Par une innovation qui paraît unique, le Clair de Lune débute par un monologue sans paroles, une confession, véridique et poignante, comme on en entend rarement en musique. Et toute la Sonate —■ (je l’analyse plus loin) — garde ce caractère de musique parlée, d’expression homophone, directe, à peine voilée, de la passion pure.

Il n’est pas d’autre exemple, dans les compositions beethoveniennes de ce temps, que le sentiment soit, comme ici, le roi absolu de l’œuvre. Mais dans beaucoup de sonates, dans presque toutes, l’élément personnel se mêle à la construction et en bouscule maintes fois la logique. Dans « Die Verliebte » (la jolie sonate à Babette, op. 7), surtout dans le gracieux rondo, le sentiment est comme un enfant qui court et se met entre vos jambes. Il sursaute, dans l’allegro de l’op. 10 n° 1 (ut mineur), qui fit hurler les pédants ; il tourbillonne dans le finale, aux troubles d’âme, aux contrastes irréguliers, aux arrêts brusques, aux points d’orgue, -— où nous prend à la gorge ce Mane Thecel Phares : la main qui écrit en lettres de feu, sur le mur du fond de la Durchführung, le mot du Destin dans la future Symphonie en ut mineur * 1 :

rafale de l’âme, il semble que l’artiste se rejette, pou ? retrouver son équilibre, dans le jeu esthétique ou la contemplation objective de la nature.

1. Dans le finale de ce même op. 10 n° 1, s’annoncent les tourmentes des finales du ,Clair de Lune et de Y Appassianam,